Louis Meigret

Base Louis Meigret

Présentation du projet

Ce projet vise à constituer un corpus de référence sur Louis Meigret, rassemblant l’ensemble de ses œuvres. Il s’agit de faciliter l’exploitation des textes les plus connus, et d’améliorer l’accès aux œuvres encore peu étudiées, à savoir les traductions.

Le projet prévoit aussi un volet « Humanités numériques au lycée ». Il a pour but d’accueillir un travail de recherche mené par des lycéens, dont on attend une production répondant au niveau d’exigence de toute production scientifique. Il s’agit de les sensibiliser aux textes humanistes et aux outils permettant d’en renouveler l’approche aujourd’hui, en les rendant acteurs de la production du savoir.

Volet 1. Corpus de référence sur Louis Meigret

Ce projet vise à réunir l’ensemble de l’œuvre de Louis Meigret, dans une démarche à la fois patrimoniale et scientifique. Il s’agit en effet

– de corriger un déséquilibre dans la connaissance de l’œuvre et de l’auteur par la mise à disposition de textes peu connus.

– de proposer un outil de référence à une communauté scientifique éparse et pas toujours bien coordonnée.

Ch.-L. Livet, F. Brunot, plus récemment les travaux de F. J. Hausmann ont rendu à Louis Meigret une grande visibilité et une place dans l’histoire de la langue et des idées. L’auteur est aujourd’hui surtout connu et cité à travers ses Traités sur la langue française : le Traite touchant le commun usage de l’escriture francoise (Denis Janot, 1542) et le Tretté de la grammere françoeze (C. Wechel 1550). Le point culminant de sa carrière est sans conteste atteint autour de 1550, avec la publication de sa grammaire (tout entière en graphie rénovée) et la polémique qui s’engage sur l’orthographe. Après cette date et l’échec de sa proposition de réforme, on imagine un Meigret aigri et vaincu, qui retourne à ses traductions. L’histoire éditoriale renforce cette lecture de la carrière de Meigret : un déséquilibre s’est installé au fil du temps, privilégiant les textes de la période Wechel, laissant dans l’ombre les traductions.

1. Les traités sur la langue française

Les éditions récentes mettent l’accent sur les traités et textes polémiques consacrés à la langue française. Ils ont ainsi fait l’objet de regroupements éditoriaux et constituent déjà une sorte de corpus : Traité touchant le commun usage de l’escriture françoise 1542, Tretté de la grammere françoeze 1550, Defęnses de Louís Meigręt touchant son orthographíe 1550, Réponse à l’Apologie de Jaqe Pelletier 1550, Reponse de Louis Meigręt à la dezesperee repliqe de Glaomalis de Vezelet 1551 ont été reproduites sous un seul volume (Slatkine Reprints 1972), disponible en fac-similé sur Gallica.

Le Tretté de la grammere françoeze a fait l’objet de plusieurs éditions : outre la réédition Slatkine reprints, on connaît l’édition Foerster (1888) et surtout la transcription moderne d’Hausmann(1980). Plusieurs versions électroniques existent également pour le seul Tretté.

– édition électronique Garnier (à partir de la version modernisée d’Hausmann), outillée dans l’esprit de la base des Traités sur la langue française.

– édition d’A. Pelfrêne et B. Colombat pour le CTLF

– édition d’O. Bettens

Ces deux éditions reproduisent les graphies rénovées voulues par Louis Meigret.

Les textes suivants ont également été saisis en mode texte par Olivier Bettens (selon la graphie de l’auteur) : Defęnses de Louís Meigręt touchant son orthographíe 1550, Réponse à l’Apologie de Jaqe Pelletier 1550, Reponse de Louis Meigręt à la dezesperee repliqe de Glaomalis de Vezelet 1551

Ces textes sont déjà exploitables (grâce au travail d’encodage et d’étiquetage effectué par O. Bettens) dans la base Hyperbases (outil développé à Nice par Etienne Brunet et Laurent Vanni).

Il s’agit donc de valoriser le corpus existant :

– en le complétant : ajouter à la base le Traite touchant le commun usage de l’escriture francoise (1542), disponible en mode texte dans la version de 1545 (voir annexe II)

– en adaptant l’outillage

Le point de vue adopté sur l’œuvre détermine les outils. Par exemple, Le Tretté de la grammere françoeze appartient à la base Garnier, à ce titre il est outillé en tant que discours sur la langue. Il est possible de chercher des mots, d’isoler les exemples, les noms d’auteurs, d’exploiter des index. Il n’est pas possible cependant de faire des requêtes sur les chaînes syntaxiques, ou une recherche morphologique.

Or Louis Meigret intéresse l’histoire du français non seulement comme témoin mais aussi comme auteur, qui établit une relation complexe entre sa réflexion sur la langue et ses propres pratiques (militantes et exemplaires). Il importe donc de ne pas figer les œuvres dans une seule lecture. Il faut pouvoir interroger le texte dans ses dimensions linguistiques et métalinguistiques (voir type d’outillage proposé par le Corpus des Grammaires françaises de la Renaissance, Classiques Garnier Numérique), mais aussi éditoriales (prévoir un retour à l’édition originale de manière à prendre en compte les questions liées à la transcription, à la typographie, et les enjeux de la mise en page).

L’importance de Louis Meigret pour la connaissance de la langue du XVIe siècle n’est plus à démontrer. Mettre à la disposition de la recherche ses textes répondrait donc à un besoin de la communauté scientifique. Réaliser ce corpus, c’est aussi donner à lire et à voir (d’où l’importance du retour à l’édition originale) un auteur dont le discours pourrait trouver un écho auprès du large public qui s’intéresse à la langue française et à son orthographe.

2. Les traductions (domaine peu doté)

Meigret doit une partie de sa notoriété et de sa gloire posthume, au moins dans le siècle qui suit sa disparition, à ses traductions. Ces traductions restent à ce jour mal connues et peu exploitées. Certaines ne sont pas encore disponibles en ligne (Le Livre du monde faict par Aristote, et envoie à Alexandre le grand. Traduict en Françoys, par Loys Meïgret, Paris, Denis Janot, 1541 ; La Troysiesme oraison , faitte en la personne de Nicocles Roy de Chipre, touchant le devoir des subjectz a leur prince, Paris, Chrétien Wechel , 1544). La plupart sont à mettre au format texte.

Ce corpus serait utile à tous ceux qui s’intéressent

– à Louis Meigret : les traductions sont essentielles à la compréhension de sa démarche linguistique

– à l’histoire de la langue française, notamment à travers l’histoire de la traduction

– à l’histoire des textes et des auteurs que Meigret a traduits

1) Sur l’œuvre de Meigret

Disposer d’un corpus de référence, réunissant toutes les productions de Meigret, articuler les traductions aux autres textes enrichirait la compréhension de sa carrière et de son œuvre.

Réunir les traductions en corpus permet d’apprécier la diversité des œuvres traduites (Pline, Cicéron, Polybe, Dürer, Valturin) et de réfléchir à ce qu’une telle entreprise signifie dans le contexte de défense et d’illustration de la langue française. Chaque texte sera à terme doté d’une notice détaillée (enjeux culturels liés à l’œuvre traduite, circonstances dans lesquelles la traduction est entreprise (commanditaires?), éditeurs et imprimeurs).

Autour de l’œuvre française et des traités, existe une dimension polémique ; les textes parus chez Chrétien Wechel ont en outre par leur graphie un aspect évidemment militant. Pour autant, les positions de Meigret sur la langue française ne sont pas absentes des traductions : une continuité existe entre l’humaniste et le linguiste. Ceci est sensible dans les préfaces, ou dans une œuvre comme Le Menteur ou l’incredule de Lucian (Paris, Wechel 1548), premier texte donné en graphie rénovée. Qu’en est-il du reste de sa production ?

Une lecture attentive montre que Meigret après 1550 n’a peut-être pas totalement abdiqué et continue sous le masque de la graphie traditionnelle à imposer ses idées sur la langue. On peut par exemple étudier la manière dont il traite l’accord du participe passé dans sa traduction de Valturin ou dans les rééditions de Pline. Les traductions de nature moins visiblement polémique peuvent être conçues comme des outils de diffusion d’une certaine pratique de la langue. Plus particulièrement lorsque Meigret occupe une niche : sa traduction de Valturin (Les douze livres de Robert Valturin touchant la discipline militaire , translatez de langue latin en françoyse par Loys Meigret, Paris, C. Perier, 1555) est la seule à ce jour ; Les Quatre livres d’Albert Durer dont la première traduction paraît en 1557 chez Wechel sont réédités en 1613 (Les Quatre livres d’Albert Durer, traduicts par Loys Meigret, Lionnois, de langue latine en françoise, Arnhem, J. Jansz , 1613).

A partir de Louis Meigret, on peut réfléchir à la manière dont une traduction peut être pensée en vue d’influencer l’évolution de la langue (imposer un lexique, des patrons syntaxiques, un usage de la langue).

2) Histoire du français

Les traductions constituent un domaine de recherche important pour les diachroniciens. Les traductions de Louis Meigret sont en outre des textes produits en conscience et dont on peut attendre une certaine cohérence par rapport à des prises de position explicites sur les caractéristiques de la langue française. Elles constituent donc des témoignages importants.

La langue de Meigret traducteur est-elle la même que celle de Meigret auteur, s’exprimant directement en français ? L’auteur traduit, le genre, a-t-il une incidence sur le style et la langue de Meigret ?

Certaines traductions (Pline et Polybe) ont fait l’objet de rééditions : le texte est-il stable d’une édition à l’autre ? Quelles corrections ? Portent-elles sur des points de langue précis ?

Sur la foi d’une phrase de Muret qui vante sa « langue sucrée », Meigret a la réputation d’être est un bon traducteur. Il serait intéressant d’évaluer la qualité de son œuvre de traducteur, en la comparant pour les auteurs abondamment traduits dès la Renaissance, avec d’autres traductions.

Pour répondre à l’ensemble de ces questions, il faut pouvoir aligner entre elles les différentes éditions (pour Pline et Polybe notamment); les aligner avec un texte source lorsque cela est possible et pertinent (exemple texte de Valturin l’édition latine Wechel 1534 / traduction de Meigret Périer 1555); avec d’autres traductions (contemporaines, antérieures, postérieures).

3) Histoire de la traduction et de la diffusion des œuvres de langue latine à la Renaissance

Le corpus est destiné à s’ouvrir à d’autres disciplines que l’histoire des idées linguistiques et histoire du français. Plus précisément, certaines recherches nécessitent la collaboration de latinistes et de spécialistes des auteurs traduits.

Aligner les traductions de Meigret à d’autres traductions peut aussi renseigner sur l’évolution du sentiment linguistique relatif au latin, informer sur la réception et la diffusion des auteurs de langue latine.

Volet 2. Projet « Très jeunes chercheurs » / « Humanités numériques au lycée »

I. Objectifs généraux

Monter une équipe de recherche constituée de lycéens, encadrés par des professeurs, des chercheurs (doctorants, chercheurs confirmés).

Les élèves participent à leur niveau et à leur échelle à un programme de recherche universitaire : il ne s’agit pas de mimer ce que font les « grands » mais de produire un résultat utile à la recherche.

Durée : 3 ans (de la seconde à la terminale), ce qui correspond à la durée nécessaire pour développer des compétences et mûrir un travail de recherche. Le parcours pourrait être sanctionné par la délivrance d’un certificat par l’université partenaire et qui pourrait valoriser le dossier de l’élève.

II. Volet pédagogique. Humanités numériques au lycée

Le choix des Humanités numériques s’inscrit dans le programme des lycées (Humanités, étude la langue)

1) Humanités

On choisit dans un premier temps d’inscrire les élèves dans un programme de recherche lié aux humanités de manière à s’appuyer sur des enseignements dispensés au lycée, notamment les langues anciennes.

Il s’agit en outre de donner du sens à un mot (Humanités) qui figure dans l’intitulé d’une spécialité que les élèves peuvent choisir à la fin de la seconde, Humanités Littérature Philosophie).

Travailler sur un corpus de traductions du XVIe siècle permettra de faire sentir concrètement ce que signifie le retour aux textes anciens, le rôle de la traduction, la place du latin comme langue internationale, mais aussi quelles activités linguistiques ont contribué à la défense et à l’illustration de la langue française.

Le travail se faisant à partir d’éditions originales numérisées doit également ouvrir les élèves à tout ce qui concerne l’histoire du livre et ses enjeux. La réflexion sur les supports permettant la diffusion du savoir est par ailleurs un enjeu contemporain. Les élèves seront amenés à réfléchir à leurs propres pratiques.

2) Étude de la langue

L’étude de la langue a retrouvé une place dans l’enseignement du français au lycée, sanctionnée par une note à l’examen (question de grammaire à l’oral).

Dans le cadre de ce projet de recherche, les élèves sont amenés à réfléchir à la langue à travers son histoire (par exemple l’histoire de l’orthographe, construction de règles telles que celle de l’accord du participe passé). Appréhender les règles comme une construction permet d’en supporter l’arbitraire. Là encore, les élèves s’emparent d’une question qui fait périodiquement l’actualité (la réforme de l’orthographe).

– histoire des idées linguistiques : la grammaire gagne à être étudiée dans une perspective historique et donc critique, l’appropriation des notions et du métalangage peut se faire à travers l’étude de leur construction.

– utilisation d’outils d’annotation suppose enfin la maîtrise de savoirs linguistiques, qui sont acquis en vue d’une finalité.

3) Numérique

Parmi les options proposées aux lycéens en fin de seconde, on constate que l’informatique est choisie par des élèves au profil scientifique (stratégie de reconduction la filière S). Inversement, les élèves (surtout des filles) qui se considèrent comme des littéraires délaissent l’étude des mathématiques et de l’informatique.

Ces profils cloisonnés (et cloisonnés précocement) peuvent nuire à l’orientation des élèves, privent l’université et la recherche d’élèves talentueux qui ne pensent pas toujours aux lettres et aux langues anciennes dans leurs projets d’études, tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’idée de ce qu’est la recherche, et de sa diversité.

Ce projet de recherche au lycée vise donc à lutter contre certains stéréotypes (la tendance à la reconduction de profils exclusivement scientifiques ou exclusivement littéraires, inciter les filles à faire de l’informatique, et les garçons à faire du latin et du grec), mais aussi à assouplir le cadre des études au lycée, favoriser le maintien de profil pluridisciplinaires au-delà des contraintes d’emploi du temps (groupe classe) et des spécialités sanctionnées par une épreuve et une note au baccalauréat.

Il ne s’agit pas d’un enseignement d’exploration ou d’un itinéraire de découverte. La participation d’un élève au groupe de recherche se faisant parallèlement à ses choix de spécialités permettra au « scientifique » de poursuivre l’étude des humanités, et à un «littéraire» de conserver une ouverture vers des domaines techniques, et donc de développer des compétences mixtes.

A l’heure actuelle, les élèves sont invités à participer à un programme de recherche autour de Louis Meigret, grammairien et traducteur du XVIe siècle.

Un groupe d’hellénistes (élèves au lycée H. d’Estienne d’Orves, HEO) travaille sur la traduction de Lucien (1548), texte qui permet d’aborder les différents aspects de l’œuvre de Louis Meigret (linguiste et traducteur).

L’objectif est de proposer une édition critique en ligne de la traduction Menteur par Louis Meigret.